Réponse du conseil colonial sur l'amélioration de la situation des esclaves à Bourbon 6 février 1839.

Réponse du conseil colonial sur l'amélioration de la situation des esclaves à Bourbon 6 février 1839


Le 6 février 1839, le Conseil fait connaître au gouverneur Anne Chrétien Louis de Hell sa réponse au rapport de M. de Rémusat Ministre de l'intérieur à la Chambre des députés ainsi qu’à la dépêche ministérielle du 21 août 1838. C’est un plaidoyer pour le maintien du système esclavagiste. Examinant un par un les articles du projet d’ordonnance visant à améliorer le situation des esclaves, la réponse du Conseil est invariablement la même : tout va pour le mieux, il n’y a plus rien à améliorer.

Extrait de la réponse du Conseil Colonial au Gouverneur concernant le rapport du Ministre de l'intérieur Monsieur Rémusat visant à améliorer la condition des esclaves dans les colonies françaises.

" Monsieur le Gouverneur,
Le Conseil colonial de Bourbon touchait à la fin de sa session de 1838 lorsque vous l’avez saisi de la dépêche ministérielle, en date du 21 août dernier, qui soumet à l’examen des conseils coloniaux le rapport de M. de Rémusat, un projet d’ordonnance royale et d’autres dispositions toutes tendant à l’amélioration de la situation des esclaves dans les colonies françaises, conséquence naturelle et forcée des conclusions du rapport de la commission de la Chambre des députés dont M. de Rémusat a été l’organe.

... Il nous a fallu chercher à surmonter la répugnance, nous avons presque dit le dégoût, que nous éprouvions de revenir sans cesse, et sans espoir de succès, sur des questions en faveur desquelles tout a été dit et rien n’a pu être écouté ; questions sur lesquelles nos antagonistes eux-mêmes se sont exprimés en termes que nous pourrions leur emprunter pour appuyer notre défense, si ce n’était pas un parti pris de substituer l’opiniâtreté à des raisonnements impuissants, et de sacrifier à de vaines utopies, à une impatience inconcevable d’innovations irréfléchies, à ce qu’on appelle enfin un besoin de l’époque, besoin factice ...

... Les ordonnances des 1er mars 1831 et 12 juillet 1832, en ôtant toutes les entraves qui gênaient les affranchissements, ont eu pour résultat immédiat d’introduire dans la société coloniale un grand nombre d’individus sans moyens de subsistance et sans aucune industrie pour les leur assurer. Sous ce rapport, les six dernières années qui viennent de s’écouler ont suffi pour indiquer les inconvénients de pareilles mesures : le paupérisme et le vagabondage, jusqu’alors inconnus à Bourbon, et l’augmentation progressive des crimes et des délits que les tribunaux ont eus à réprimer, n’ont pas tardé à être la suite de nombreux affranchissements sans autre garantie que celle d’une apparente civilisation. Grâce au bon esprit des colons, ils n’ont pas abusé de cette facilité qui leur était donnée de se débarrasser de beaucoup de charges qui pesaient sur leurs ateliers. Quant aux libres de fait ou cartes blanches, dont on a régularisé la position sociale, on leur a aussi ôté un patronage utile autant pour eux que pour garantir la société ; et il en est plus d’un qui regrette déjà son changement de position, et qui, privé de tout appui, trouve avoir payé bien cher la triste prérogative de porter les insignes de la liberté.

... Ainsi, Monsieur le Gouverneur, tout ce qu’il sera permis d’essayer sur les ateliers coloniaux, soit qu’ils se composent d’esclaves, soit d’engagés, pourra être d’un bon ou d’un mauvais effet suivant que ces essais seront dirigés avec plus ou moins de prudence et de suite.

... Ainsi la moralisation par l’instruction religieuse, les encouragements aux mariages légitimes, l’instruction primaire pour les enfants, toutes les améliorations, il peut, il doit les entreprendre, parce qu’en même temps il conserve assez d’autorité pour assujettir ses ateliers au travail, qu’il n’obtiendrait certainement pas sans l’usage de cette autorité.

... Nous arrivons enfin, Monsieur le Gouverneur, à un des points les plus importants du rapport, à la question du pécule et du rachat forcé, considérés comme une des plus convenables et des plus satisfaisantes améliorations à introduire dans la conditions des esclaves. Comme cette question est une de celle qui a trouvé le plus de résistance dans les colonies, celle dans laquelle tous les conseils coloniaux ont été unanimes, il est au moins raisonnable de penser qu’en effet elle intéressait fortement la conservation du système colonial. … Vraiment est parler sérieusement, n’est ce pas jouer sur les mots, en matière aussi grave, que d’accorder à l’esclave l’acquisition de certains droits sur son maître, lorsqu’on a pris tant de soins à établir et fixer l’état légal de l’esclavage, comme l’a fait M. de Rémusat.

Le pécule et le rachat sont dans nos mœurs coloniales. Nous voulons que nos esclaves puissent améliorer leur sort ; mais nous voulons aussi connaître les sources où ils puisent des améliorations ; nous voulons avoir les yeux constamment ouverts sur les moyens d’obtenir ce pécule, pour qu’ils n’en emploient pas d’illicites ; sur l’usage qu’ils en font, pour qu’il n’y en ait pas de dangereux. Le bonheur matériel de l’esclave s’augmente de cette surveillance paternelle ; le lien qui l’unit à son maître en est resserré par une heureuse réciprocité. Formulez le pécule en un droit, quelque prévoyante que soit votre loi, des abus surgiront, car vous n’aurez pas tout prévu ; les liens de chefs de famille seront rompus ; vous aurez placé sur un pied d’égalité votre esclave avec vous, et votre qualité de son tuteur-né se sera évanouie à votre détriment, et surtout au détriment de l’esclave, qui aura encore plus perdu que vous à cette espèce d’émancipation anticipée.

... Changez cette faculté en un droit formulé, et rendez en même temps le pécule légal, car ces deux dispositions marchent forcement ensemble, et dès lors vous armez l’esclave contre son maître ; tous les moyens lui seront bons pour augmenter son pécule ; et suivant qu’il aura eu plus ou moins d’adresse, plus ou moins de bonheur, il viendra, l’argent à la main, forcer son maître à accepter sa rançon, et souvent une rançon hors de proportion avec les services que son maître avait le droit d’attendre de lui ; et il entrera ainsi dans la société, sans ressources puisque son rachat l’aura épuisé, et sans goût pour le travail, souvent sans aucune industrie, puisque le motif le plus fréquent de son désir de rachat n’aura été que celui de soustraire à l’obligation du travail. On parle beaucoup d’améliorations progressives dans les condition des esclaves ; et le but que l’on ne prend pas le soin de cacher, et que le plus souvent on avoue hautement, est de faciliter le passage de cet état à celui de la liberté. Si l’on voulait voir sans passion combien ces quelques vingt années qui viennent de s’écouler en ont introduit sans qu’elles fussent formulées par des lois ou par des ordonnances, on reconnaîtrait que les colons marchent d’eux-mêmes dans cette voie, et l’on trouverait moins étrange que les conseils coloniaux se soient abstenus jusqu’à présent d’approuver des projets dont ils sentent l’inutilité en même temps qu’ils en craignent le danger. L’article 1er, qui règle la nourriture, ne formule rien qui ne soit dans nos usages ; la nourriture de nos noirs est toujours suffisante. Et cependant comment pourrions-nous exécuter ponctuellement la disposition qui nous forcerait à donner un kilogramme et demi de poisson ou de viande, soit fraîche, soit salée, par semaine, à chacun de nos esclaves, lorsque les ressources du pays ne sauraient fournir à cette consommation ?Il est toujours dans nos habitudes de fournir ce supplément à nos ateliers, quand nous sommes approvisionnés, et dans le cas où ces objets nous manquent, les légumes secs, les ressources que la nature fournit constamment en fruits et en légumes frais sont à la portée de nos esclaves et ne sont jamais refusés. Mais faites une obligation de distributions régulières : comment pourrons-nous les exécuter, lorsque dans une foule de cas, le maître n’est pas nourri mieux que son esclave, et qu’il n’a pas, au delà du strict nécessaire, le moyen de se procurer à lui-même ces douceurs : et, nous pouvons l’affirmer, c’est le plus grand nombre. Il ne sera pas sans intérêt de constater par des chiffres à quelle dépense en argent cette disposition de l’ordonnance, qui, au premier abord, semble de si peu d’importance, obligerait le propriétaire. Il serait facile de prouver aussi par des chiffres que les autres produits coloniaux ne suffisent pas pour couvrir tous les frais annuels à la charge des planteurs. Mais d’ailleurs cette dépense qu’on voudrait rendre obligatoire, serait parfaitement inutile, quand, même le pays pourrait la payer, puisque nos esclaves sont suffisamment nourris et qu’ils ne sont pas plus malheureux que toute la population de l’Asie, où tant de millions d’individus ne se nourrissent que de grains, de légumes et de fruits, et qu’une grande partie des peuples de l’Europe, auxquels une nourriture plus fortifiante serait bien plus nécessaire, et qui sont si loin de pouvoir se la procurer.

L’article 2 enjoint à tous les propriétaires de mettre à la disposition de leurs esclaves une portion de terre propre à la culture des vivres, et dont les produits leur appartiennent. Cette disposition ferait une obligation de ce qui s’exécute volontairement dans toutes le habitations ou cela est possible ; et , nous devons le dire, ces terrains abandonnés aux esclaves sont ordinairement si mal cultivés, qu’au bout de peu d’années ils sont dans un état complet de détérioration. Mais dans combien de circonstances la loi serait elle inexécutable pour de petits propriétaires qui ont bien de le peine à vivre, eux et leurs esclaves, sur des terrains que les subdivisions ont réduit en de si petites parcelles !

L’article 3 ne fournira qu’une légère observation au paragraphe qui dispense de tout travail l’esclave attaché à la culture, les dimanches et jours fériés. On est dans l’usage, à Bourbon, de faire faire, le matin de ces jours de repos, une corvée d’une heure ou deux, non pas à des ouvrages de culture, mais de propreté dans l’intérieur des établissements. Le soin des animaux exige qu’on leur fournisse, ce jour là comme les autres, leur nourriture et leur boisson chose assez difficile dans plusieurs localités ; et pour que tout le monde jouisse aussi du repos, il est indispensable que la communauté s’y prête. L’ordonnance aurait donc besoin de s’expliquer suffisamment à cet égard, pour éviter les résistances et ne pas créer des exigences injustes.

L’article 4 annule l’effet de la défense faite au maître d’abandonner à son esclave un jour dans la semaine, pour lui tenir lieu des vivres auxquels il a droit, en rendant légaux les arrangements qu’ils pourraient faire ensemble de gré à gré à ce sujet. La défense avait un but utile pour l’esclave qui, par son insouciance, pouvait souvent manquer de vivres en ne travaillant pas assez le jour qui lui serait abandonné, ou en éprouvant des contrariétés de saisons qui pourraient le priver du fruit de ses travaux. (…) Le noir, paresseux ou insouciant, ou mal rétribué de sa peine, serait cependant obligé de se nourrir, et le vol à tous risques serait la ressource qui lui fournirait ce que la colonie ne lui fournit pas. ... "



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