Discours de Paul Vergès à La séance d'ouverture du Sénat du 1er octobre 2011.

Discours de Paul Vergès à La séance d'ouverture du Sénat du 1er octobre 2011


Élu sénateur de La Réunion le 25 septembre 2001, Paul Vergès doyen d'âge des sénateurs préside la séance d'ouverture du 1er octobre 2011.

Discours de Paul Vergès à La séance d'ouverture du Sénat du 1er octobre 2011.

" Mes Chers Collègues,
Mesdames et Messieurs,

J’adresse mes sincères et chaleureuses félicitations à l’ensemble des Sénatrices et Sénateurs nouvellement élus.

En tant que doyen d’âge, je salue la benjamine de notre Assemblée, notre amie Cécile Cukiermann.

A vous tous, je souhaite la bienvenue dans la Haute Assemblée où se sont écrites de grandes pages de l’histoire de France. Où se sont illustrés des hommes tels que Victor Hugo, Georges Clémenceau ou Victor Schoelcher.

L’histoire de la Chambre Haute, c’est l’histoire de France, une histoire pleine de contradictions, faite de parts d’ombres et de lumières. Mais ce sont les valeurs républicaines que nous devons faire vivre. Ces valeurs pour lesquels beaucoup ont donné leur vie et auxquels je pense en cet instant. En tant que Cadet de la France Libre du Général de Gaulle, que j’ai rejoint à Londres à 17 ans, je pense en particulier aux anciens du Maquis de Scévolles dans la Vienne où je fus parachuté en 1944.

Je n’oublie pas non plus, en tant que Sénateur de l’outre mer, originaire de l’île de la Réunion, que c’est à un sénateur, Victor Schoelcher, que nous devons l’abolition de l’esclavage. Comment ne pas avoir aussi une pensée pour Gaston Monnerville, compatriote de la Guyane, homme noir, et président du Conseil de la République, puis du Sénat, de 1947 à 1968.

En disant cela, il ne s’agit pas de donner une importance démesurée à l’histoire. Mais en ce moment de l’installation du Sénat, nous devons avoir conscience de la continuité historique dans laquelle nous nous inscrivons. Car dès demain nous serons rappelés par l’action et par les exigences du présent auxquelles nous devrons répondre.

Aujourd’hui, nous éprouvons le sentiment de vivre, ici au Sénat, un moment exceptionnel dans l’histoire de la Vème République.

En cet instant, nous ressentons tous dans cet hémicycle, le cœur battant de la démocratie, de la démocratie prête à se renforcer. Nous voyons se dessiner l’espoir d’un Sénat à l’avant-garde des changements attendus.

Toute la situation que nous connaissons, partout en France et dans les collectivités de l’outre-mer, l’exige : crise multiforme, sociale, économique, financière, se traduisant par l’augmentation du chômage et de la pauvreté, la baisse du pouvoir d’achat, la détérioration des services publics, notamment dans l’enseignement et la santé. Toutes les catégories sociales sont fragilisées, les jeunes comme les personnes âgées, les plus défavorisées comme les classes moyennes. C’est toute la cohésion de notre société qui est mise en cause. Ce mécontentement général est annonciateur d’un profond désir de changement.

Le seul combat qui vaille, c’est le service aux Français dans les réponses à l’extraordinaire complexité des problèmes qui se posent à nous. Cela suppose que nous soyons capables, au-delà de nos différentes sensibilités, de porter notre regard au-delà de l’immédiat. Cela suppose, mes chers collègues, que nous soyons toujours en mesure de discerner, les courants profonds qui modifient l’état du monde.

En effet, en tant que Réunionnais, ma vision politique tient compte tout à la fois de la situation géographique de La Réunion et du continent africain auquel elle appartient, de la France à laquelle elle est intégrée par la volonté populaire des Réunionnais depuis 1946, et de l’Europe dont la France est un Etat membre.

Il faut y ajouter l’océan indien qui baigne les rivages de La Réunion. Un océan où se joue, de l’Afrique à l’Asie, la plus grande poussée démographique de l’Histoire humaine.

Je pense aussi à nos compatriotes qui vivent dans les Caraïbes ou dans l’Atlantique Nord, à ceux qui font partie de l’Amérique du Sud, comme la Guyane, ou encore à ceux qui vivent dans le Pacifique.

La position géographique de tous ces territoires les met au cœur de ce qui sera la marque du siècle qui s’annonce : l’Espace et les Océans qui occupent plus de 70 % de la surface de la planète. A ce titre, ce que nous appelons l’outre-mer doit être au cœur des préoccupations de nos compatriotes continentaux.

Outre ces données géographiques, j’ai constamment à l’esprit les évolutions économiques, sociales, culturelles et politiques qui caractérisent notre siècle. Nous assistons à des changements qui affectent tout l’environnement à la fois naturel et culturel de l’Humanité.

En ayant ce double point de vue global, dans le temps et dans l’espace, nous pouvons dire que La Réunion est façonnée comme l’ensemble du monde par un phénomène qui domine déjà le siècle et qui portera en lui des changements qui nous concernent tous.

En 1946, La Réunion comptait environ 240 000 habitants. Aujourd’hui, elle en compte plus de 800 000 et sa transition démographique s’achèvera dans 15 ans, autour d’un million d’habitants. Ce phénomène, aux conséquences économiques et sociales déjà visibles, est le phénomène fondamental de l’histoire de l’Humanité.

Ainsi, l’Institut national des études démographiques, l’INED, a déjà annoncé que la population mondiale atteindra ce mois ci le chiffre de 7 milliards. Dans 4 décennies, nous serons 9 milliards 500 millions, soit une augmentation de 2 milliards 500 millions en 40 ans.

Si je me réfère à la population totale de la planète en 1950, elle était alors de 2 milliards 500 millions, et cela au terme d’une évolution qui s’est déroulée sur des centaines de milliers d’années. Or, en 60 ans, la population mondiale a augmenté de 4 milliards 500 millions.

Donc – excusez-moi de ces chiffres tellement éloquents -, en 4 décennies, soit 6 mandats de sénateur, la seule augmentation de la population sera égale à ce que toute la planète comptait d’humains en 1950.

Je crois qu’on peut dire que ce phénomène est la plus grande révolution de l’histoire humaine. Cette transition démographique, nous la vivons actuellement, nous en vivrons les conséquences tout au long de ce siècle et cela sur tous les plans, économique, social, culturel et politique.

Au 18ème siècle, St-Just considérait que le bonheur était une idée neuve en Europe. Trois siècles plus tard, ce sont les peuples de la Terre qui affirmeront que l’égalité est une idée neuve pour le monde.

Au cours de la même période, un autre phénomène planétaire nourrit notre réflexion. Il s’agit du réchauffement de la planète avec ses effets innombrables : fonte des glaciers, montée du niveau des océans et leur acidification, sécheresse, raréfaction de la ressource en eau, intensification des phénomènes climatiques violents, diminution des ressources naturelles, menaces de disettes et de famines, risque d’une sixième extinction des espèces, etc.

Allons-nous pouvoir maîtriser l’aggravation de ce phénomène ?

Dans moins de trois mois, non loin de La Réunion, à Durban, en Afrique du Sud, se tiendra la grande conférence internationale sur le climat.

Allons-nous pouvoir donner une suite positive au Protocole de Kyoto ?

Nous vivons également, avec ce que l’on appelle la « mondialisation », l’explosion des capacités productives de l’ensemble du monde, ce qui accentue les conséquences de la transition des économies nationales et régionales à une économie mondiale, qui fait émerger un nouvel ordre économique.

Mais, au-delà, le monde entier se pose la grande question : comment maîtriser la situation de crise économique que nous vivons et que nous vivrons encore ? Comment et quand y parviendrons-nous ?

Enfin, notre siècle est marqué par l’ampleur des découvertes scientifiques, des innovations techniques et de la rapidité de leur application, phénomènes qui bouleversent profondément nos sociétés.

Tous ces phénomènes – explosion démographique, changement climatique, mondialisation, rapidité d’application des découvertes – interagissent entre eux à un rythme qui pose un problème fondamental : celui du temps.

Comment faire face à ces phénomènes simultanés, durables et planétaires ? Si je vous livre cette vision du monde, c’est que notre siècle, à la différence des siècles précédents, sera le théâtre du jeu de ces forces profondes et durables.

Aurons-nous le temps de faire face à tous ces défis, sans changer aussi toute notre conception du monde ?

En dernière analyse, il s’agit de ne plus faire dépendre la vie ou la survie de 9 milliards 500 millions d’êtres humains des richesses épuisables de la planète. Nous n’avons pas de planète de rechange. Or, jusqu’ici notre croissance a été construite sur des matières non renouvelables.

Le philosophe français, Michel Serres, nous avertit : nous sommes devant un défi aussi important pour notre survie que celui de la révolution néolithique.

Allons-nous faire surgir une nouvelle civilisation ? Car, ce qui doit changer en définitive, c’est l’attitude de l’être humain dans son environnement et sa culture.

Si je vous ai exposé tout cela, c’est que, à côté de cette vision d’avenir incontournable, se pose la question des besoins immédiats de la population.

Je partage le dilemme des élus nationaux : comment faire face à l’urgence des problèmes présents sans jamais perdre de vue qu’ils s’inscrivent dans un contexte déjà en évolution et qui s’étendra sur tout le siècle ?

Il s’agit de faire face à l’immédiat sans abandonner la vision d’avenir qui s’imposera, en bien ou en mal, sur notre propre action.

En ce sens, je mesure l’énorme responsabilité des élus nationaux confrontés à la vie immédiate des Français et qui doivent tenir compte de l’avenir des générations déjà existantes ou qui sont à naître.

Jamais les femmes et les hommes politiques n’ont eu devant eux une telle responsabilité, car les problèmes qu’ils ont à résoudre sont au cœur de tous les changements planétaires.

C’est pourquoi en conclusion, j’émets le souhait que nous parviendrons à remplir la tâche qui nous attend, pour aujourd’hui et pour demain.

Je vous remercie. "



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