Lettre de M. Joseph Hubert à Bory de Saint-Vincent sur l'éruption du volcan de la réunion le Piton de La Fournaise en 1802.

Lettre de M. Joseph Hubert à Bory de Saint-Vincent sur l'éruption du volcan de la réunion le Piton de La Fournaise en 1802


Le volcan a fait ces jours derniers une éruption ; la lave qui en est provenue est arrivée à la mer. J’ai été sur les lieux, je vous envoie la relation de ce voyage et de mes remarques.

Il faut d’abord prendre les choses de plus loin. Vous savez (car vous l’avez vu de près) que dès le mois de novembre le cratère Dolomieu était en travail, et vous avez vu même sortir au bas de ce cratère un ruisseau de laves , lequel s’est éteint depuis votre départ, après s’être avancé très lentement jusqu’à 200 toises environ de la mer. Vous trouverez cette coulée tracée en crayon noir sur le plan que je joins ici. Pendant les mois de décembre et janvier, et presque tout février, le volcan poussait une fumée qui s’élevait de plusieurs fois la hauteur de la montagne ; les nuages et la fumée éclairés se voyaient de toute l’île.

C’est le 10 janvier qu’un orage terrible, qui a causé des dommages en ce canton, venait du côté du volcan, était précédé d’une odeur sulfureuse.

C’est le 17 janvier qu’un nuage d’un rouge noir sortit du cratère, et répandit des cendres jusqu’à Saint-Denis. Cependant aucune lave ne fut vomie cette fois ; et à la fin de février, les signes d’une éruption prochaine avaient cessé. Je crois vous avoir marqué dès lors que je ne serais pas surpris de voir la lave sortir des flancs des montagnes de Saint-Joseph, ou de la montagne du cratère même.

Le 21 mars, à l’entrée de la nuit, j’aperçus une lueur sans fumée qui sortait du cratère ; elle paraissait avoir plus de surface que l’orifice de ce cratère, duquel je crus qu’il allait être vomi de la lave.

Le 22, nous vîmes toute une grande lumière bien au-dessous du cratère , vers la mer ; je ne doutai plus qu’une éruption n’allât avoir lieu, et je me proposai d’aller observer de près. Cependant j’étais bien éloigné de penser que les laves pussent parvenir à lamer avant quinze jours, parce que je supposais qu’elles étaient sorties de la bouche même de la montagne.

Le 30, des habitants qui allaient à Saint-Joseph furent forcés de revenir ; ayant trouvé la lave rendue à la mer, je me décidai à partir sur-le-champ, et le 1er avril j’étais rendu sur le bord de cette coulée.


Les Observations :

Dès que je fus au bord du Bois-Blanc, et que je pus découvrir l’Océan, je remarquai, ainsi que je l’ai toujours observé lorsque la lave coule à la mer, que jusqu’à 200 toises environ du rivage, l’eau était d’un vert jaunâtre, pas uniformément, mais par nuances irrégulières. Plus près de la terre, et le long de la côte, il y avait une bande d’une écume de couleur aurore foncée. J’ai fait tout ce que j’ai pu pour recueillir de cette écume, mais elle ne parvenait à terre qu’après avoir passé par le brisant de plusieurs lames.

Cette couleur de la mer et la bande d’écume se prolongeaient et le long de la côte à plus d’une lieue du côté où nous étions, quoique ce fut contre le vent. J’ignore où portaient les courants.

Nous mîmes 25 minutes pour nous rendre du bas du Bois-Blanc jusqu’à la coulée ; nous la trouvâmes ne versant des laves à la mer que du fond seulement, et pas en grande quantité. Je la prolongeais en montant ; et, à 100 toises à peu près de la côte, je trouvai un autre courant qui s’avançait lentement charge de scories.

Je vis clairement du point où je me trouvais, que l’éruption se faisait au pied de la montagne, dans un petit enfoncement. Je n’en étais guère plus qu’à une demi-lieue à peu près ; je pus remarquer à la vue simple, et encore mieux avec une longue-vue, que la matière sortait de plusieurs sources, dont la plus forte me paraissait être au plus bas possible de la montagne. Les autres semblaient à 10 et 15 toises au-dessus. Je résolus de me rendre jusqu’à elles ; mais, le soleil étant couché, je remis la partie au lendemain.

Je passai la nuit dans la caverne au bas du Bois-Blanc. La fumée et les nuages éclairés par la lave nous faisaient paraître le ciel en feu : l’on voyait comme en plein jour. J’avais pour compagnon de voyage le plus jeune des fils de mon frère. Dès avant le jour, nous étions rendus au même endroit que la veille au soir, et nous montâmes par la coulée superbe que vous avez appelée du Retour. Tout me favorisait au-delà de mes espérances.

A 150 toises environ des sources de l’éruption, nous rencontrâmes un nouveau courant de matières fondues qui descendait avec impétuosité. Il coulait sur la lave des jours précédents, qui était encore chaude, mais dont la marche était suspendue. ce nouveau courant entraînait avec lui des scories, et charroyait aussi de grandes masses de laves anciennes mêlées aux gratons modernes ; sa vitesse, après avoir vaincu tous les obstacles et s’être formé en lit, était pareille à celle de nos rivières débordées ; sa largeur était de 30 toises au plus.

Dans les terrains unis, le courant, toujours couvert de scories, formait bassin ; mais s’il se trouvait de grosses pierres ou des irrégularités dans les terrains en forte pente, on voyait là les mêmes ondulations que les mêmes causes produisent dans nos rivières rapides.

Les grosses pierres n’étaient pas toujours entraînées ; j’en ai remarqué deux qui ont tenu dans le milieu du courant, en pente ; elles n’ont pas même remué ; et la partie qui était au-dessus de la surface de la matière, pendant deux heures que nous demeurâmes, ne parut éprouver aucune altération.


Les sources de l'éruption :

Après avoir examiné quelque temps ce courant, nous continuâmes notre route vers les sources, qui n’étaient plus très éloignées ; nous nous en approchâmes jusqu’à ce qu’une chaleur insupportable nous força de nous arrêter ; c’était à 25 toises à-peu-près. Nous vîmes que deux de ces sources avaient à-peu-près 3 pieds de diamètre ; elles donnaient deux courants séparés. Sept à huit autres plus petites étaient à diverses hauteurs, au-dessus des premières, et s’y joignaient plus bas ; d’autres sources, plus élevées encore, ne donnaient plus de matières, mais elles en avaient évidemment fourni les jours précédents. Pendant que nous faisions ces remarques, nous vîmes de la fumée sortir d’un point peu distant des sources qui en étaient le sujet ; il y avait des broussailles en ce lieu, et elles prirent feu de suite ; en cet instant il sortit du même endroit une nouvelle source de lave, qui se joignit aux autres.

Cette circonstance, peu importante par elle-même, servit à m’éclairer sur une observation de la veille qui m’avait beaucoup occupé. En regardant du bord de la mer, et pendant la nuit, les courants embrasés sortir de la montagne, j’avais remarqué de jolies flammes qui semblaient voltiger au-dessus de la lave d’une des sources. ici, je vis la même chose de plus près, sans longue-vue, et à l’origine de la nouvelle source qui venait de s’ouvrir sous mes yeux ; c’était l’effet des rameaux et des feuilles de petits abrissaux séchés ; ils s’allumaient, et la flamme qui résultait de cet embrasement, s’élevait, voltigeait çà et là comme un feu follet, au-dessus de la matière volcanique.


Se méfier de nos sens :

J’avais cependant fait des conjonctures sur ces flammes nocturnes et errantes. Voilà, dis-je alors, comme nos sens nous trompent, et comment notre imagination s’égare quand elle bâtit sur des apparences ; je faisais cette réflexion sur les lieux mêmes, et les communiquais à mon neveu, lorsque nous faillîmes de nouveau être dupes de nos sens. Nous trouvant au pied de cette montagne en grand travail, et presque à toucher à l’issue des laves qu’elle vomissait, nous portâmes une grande attention pour nous assurer si nous n’éprouverions pas un tremblement de terre local, et si nous n’entendrions pas de bruit. Nous ne sentîmes très sûrement aucune secousse ; mais nous crûmes un moment entendre un grondement dans le sein de la montagne.

J’appliquais l’oreille contre le sol pour m’en convaincre, lorsque celui de mes noirs qui portait notre calebasse d’eau, s’approcha de nous pour entendre aussi ce prétendu tapage ; je reconnus alors que ce bruit était celui que produisait le vent en soufflant dans la calebasse, qui était presque vide. Je vous ai cité ces deux faits, pour vous assurer qui si mes sens et mon imagination me trompent désormais, ce ne sera pas sans que je m’en méfie.

Encerclés par les coulées de lave.

Avant de m’être approché du lieu d’où sortait la lave, je croyais que, vu la rapidité des courants près des sources, et le poids des matières de cette éruption, préparées dans un cratère qui était bien de 12 et 1300 toises perpendiculaires au-dessus des sources dont il s’agit ; je croyais, dis-je, que les matières en fusion eussent dû être poussées en jets au bas de la montagne ; point du tout, la lave sortait, il est vrai, avec force, mais pas comme je l’avais présumé ; la rapidité des courants ne paraissait venir que de la pente du terrain, de la fluidité de la lave et de sa quantité.

Les sources de lave qui ne brûlaient pas de broussailles étaient presque sans fumées sensibles, ce qui prouve que les grosses fumées qui précèdent et accompagnent les éruptions ne sont pas produites par la matière seule en éruption . Nous étions encore aux sources, lorsque la réunion de plusieurs ruisseaux de lave que l’enfoncement de la montagne favorisait, forma un nouveau courant, qui fut bientôt par notre travers ; la rivière de l’Est ne coule pas avec plus d’impétuosité. Ayant à notre gauche ce nouveau torrent, les noirs virent paraître une fumée à droite sur la coulée du Retour, où nous nous tenions ; ils en furent effrayés par la crainte qu’il ne sortit de cet endroit une nouvelle source de feu, ce qui était très probable. Je me décidai alors à redescendre en suivant le courant que nous venions de voir se former, et en nous tenant le plus près possible sans être trop incommodés de la chaleur.

Je ne pouvais marcher que très lentement, m’étant enfoncé jusqu’à la cuisse dans une cavité qui couvrait une croûte mince de lave, qui, s’étant rompue sous moi, m’avait blessé et contus. Nous n’avions fait qu’environ 300 toises en descendant, quand nous nous aperçûmes que le courant que nous avions rencontré le premier, le matin, en montant s’était dérangé de sa route et avait traversé la coulée du Retour : il nous coupait le chemin. Il fallut alors se mettre à courir ; et je courais comme les autres, malgré le mal que j’éprouvais. Je craignais de ne pas arriver avant que la lave n’atteignit les broussailles et les buissons que vous connaissez du côté du Bois-Blanc, et le long de la coulée où nous avions voyagé. Il était temps ; il ne s’en fallait pas plus de 8 à 10 pieds lorsque le dernier de nous passa : au même instant, le feu prit au bois. Ici, je plaçais ma troupe en avant de la lave ; elle s’était fort élargie et avait à peu près 150 toises de face quand le second courant l’eut joint.

Le mouvement progressif des laves s’était extrêmement ralenti ; celles-ci se chargeaient de scories et se formaient en morceaux de même espèce ; leur épaisseur était alors de 4 à 5 pieds et diminuait cependant lorsque la coulée trouvait une pente rapide ; il se formait seulement dans ces lieus des courants, mais ils étaient très lents et toujours embarrassés de scories.

En précédant ainsi la marche de la coulée, nous vîmes 7 à 8 oiseaux du tropique, qui quoique passant à la hauteur de la portée du fusil au-dessus de la lave, y tombaient presque au même instant qu’ils se trouvaient dans cet air brûlant ; un seul (celui-là avait peut être déjà vu le feu,) se releva et se sauva en reculant.

Ma blessure d’une part, et les inquiétudes que mes voyages au volcan donnent à ma mère, me déterminèrent à reprendre la route de Saint-Benoit.

Etant au haut de la montée du Bois-Blanc, nous vîmes un troisième courant qui avait pris naissance depuis notre départ du lieu des sources, et qui se dirigeait vers le bord opposé à celui qu’avais suivi ceux que nous avions observés de près.

J’ai pensé, mon cher M. Bory, qu’en copiant le mieux que je pourrais, votre plan du volcan, il , me serait plus facile de vous indiquer le lieu de la sortie de la lave, et des différents courants qu’elle a formés, ce que j’avais tracé en crayon rouge : c’est du moins ce que je voyais le 2 avril à une heure l’après-midi. Il paraît que la lumière que j’avais vue sortir du cratère le 21 mars, n’était point l’effet de la lueur vomie par cette bouche, ou du moins qu’elle n’en a pas rejeté assez pour former un courant, puisqu’elle n’a point paru sur la montagne, ni sa lumière sur les nuages.

Avant et après l’écoulement des laves que j’ai observé, le cratère n’a cessé de donner de la fumée, mais peu, et de la couleur de celle qui suit les éruptions si différentes de celles qui les précèdent. Quoique je vous aie beaucoup parlé de la fumée de la lave quand elle arrive à la mer, dans mes précédentes lettres, je reviendrai encore à celle-ci après avoir achevé ma relation.


Des expériences :

J’avais porté un électromètre de Saussure ; je l’ai mis en expérience aussi près possible de la lave en fusion sans lui faire courir les risques de fondre la cire d’Espagne qui la garnit. Les boules ne se sont pas éloignées du tout. J’ai regretté que les cheveux de mon hygromètre de Saussure se soient rompus, et de n’en avoir pas de préparés pour le remonter. Il y avait longtemps que je voulais m’assurer si la fumée faible et basse des laves en fusion contenait de l’eau, comme le dit le père Della Torre.

Vous savez que je me proposais de suivre l’effet de la lave en stagnation dans des espèces de bassins qu’elle pourrait remplir dans sa route, parce qu’il me semble que c’est lorsque la lave est ainsi stagnante qu’elle forme des laves poreuses, et que c’est en multipliant ainsi son volume, qu’elle soulève de grosses masses, comme la butte Hamilton que je vous ai fait remarquer, et qui, depuis longtemps, est pour moi un sujet de méditation . Il ne m’a pas malheureusement été possible de rien trouver dans la marche des courants qui pût favoriser ce projet d’observation ; la nature de la lave que je vais décrire, s’y opposait aussi. Vous savez que la belle coulée du Retour est unie, et qu’on y marche comme sur un pavé, et cela depuis la montagne jusqu’à la mer ; eh bien, la dernière éruption qui la longe et la couvre en partie, présente le contraste le plus frappant. La coulée entière, dans toute sa longueur comme dans toute son épaisseur, n’est formée que de ces morceaux scoriformes qu’on appelle gratons, et dont ici la surface est couverte d’un vernis vitreux noir : ce serait à tort qu’on prendrait ces morceaux pour de vraies scories, comme celles qui ont surnagé dans laves en liquéfaction : celles dont il s’agit, sont pesantes, quoique poreuses; la pâte en est fine et n’a pas les reflets chatoyants de la plupart des vraies scories.

C’est un beau sujet d’observations que la différence de ces deux coulées voisines ; je me propose, après le parfait refroidissement de la dernière; d’y aller, et de faire les recherches dont je suis capable ; je recueillerai, pour vous les envoyer, des échantillons comparés, pris à diverses distances des sources de chaque coulée, et à leur source même. Vous voudrez bien les communiquer au savant M. Faujas, dont, comme vous, je suis l’admirateur zélé.


Un échantillonnage de lave :

Je vais joindre à cette lettre un petit échantillon de la dernière coulée ; vous y remarquerez que le tiers au moins de son volume, est formé de grains de chrysolite des volcans, ou du moins ce que je prends pour tels.

Peut être est-ce une si grande quantité de matière étrangère à la lave, qui a donné à la coulée entière où elle se rencontre, la forme de scorie. la comparaison que je me propose de faire des deux coulées, pourra donner quelque poids à cette conjoncture, ou la détruire. Il est à remarquer que la lave que vous avez vue sortir au niveau de l’Enclos, étant vous-même au haut du cratère Dolomieu, en brumaire dernier, est de même forme et qualité que celle que je viens de décrire, et que vous allez recevoir : je les regarde comme provenant du même foyer d’éruption.


Revenons aux fumées :

Vous vous rappellerez que je vous ai marqué, que me trouvant en 1800, enveloppé par la fumée de la lave tombant à la mer, dans l’éruption de la ravine Citron-Galet, je fus couvert, ainsi que les pierres et les plantes qui se trouvaient près de moi, ‘une poussière blanche de sel marin ; je mangeais de ce sel avec du citron, par un goût créole que vous me connaissez. La formation de ce sel, et la manière dont il s’élève avec la fumée (qui n’est que l’eau réduite en vapeur), n’étaient pas difficiles à concevoir. J’ai produit, depuis votre départ, le même effet en petit, en jetant de l’eau de mer sur un morceau de lave rougie au feu ; un vase de verre que j’ai placé sur cette vapeur s’est trouvé terni par le sel, que j’en tirais ensuite en y passant le doigt. Un fer rougi a produit le même effet.

Cette fois, je vis la même chose à la rencontre de la lave avec la vague, mais je remarquai des parties noires dans la même masse de fumée, ce qui m’occupa. Je me rappelais que M. Hamilton a observé au Vésuve, deux couleurs de fumée dans les éruptions, l’une très blanche comme des balles de coton, et l’autre très noire. Je ne manquai pas de conclure de la double analogie, que la lave et la mer se réunissent dans les foyers des volcans, comme on a bien d’autres raisons de la présumer, et comme je me souviens que vous le disiez sans cesse. Cependant, en observant mieux ces deux fumées, blanche et noire, sortant du même point, je remarquai que la noire se trouvait du côté opposé à celui où le soleil éclairait, et je présumai, d’après cela, que la prétendue fumée noire n’était peut être que l’ombre de celle qui était devant le soleil : cette ombre était même portée et très marquée sur des laves éteintes, anciennes et nouvelles.

Il faut cependant se garder d’inférer de cela que toutes les fumées noires que l’on voir sortir des cratères, en même temps que les blanches, soient toujours un effet de l’ombre ; je ne veux que rendre compte d’une méprise dont j’aurais négligé de parler, si ma relation n’était pas entre nous.

La teinte de cette fumée, colorée par l’ombre, est à peu près ardoisée, au lieu que ces fumées, qui sont chargés de cendres, par exemple, sont bien plus sombres et ont un aspect extraordinaire.

Rien de plus ressemblant, au surplus, que la description que donne M. Hamilton, des fumées blanches qui précédent les éruptions du Vésuve, et que la lave forme par sa rencontre avec la mer ; M. Hamilton les compare à des balles de coton, ayant un mouvement en spirale. C’est bien cela même que j’ai toujours observé à la mer. Je me suis assuré, de plus, que la blancheur de ces fumées était due au sel en poussières dont elles étaient chargées, et que leur disposition en spirale venait du poids de cette poussière de sel qui, après avoir été d’abord poussée en gros flocons par la force de l’eau réduire en vapeur, retombait un peu sur elle-même, en tournoyant par l’effet du mouvement du vent. Cet abaissement est l’effet de la chute de la poussière de sel, et de l’affaiblissement de la force de l’eau, réduite en vapeur. Aussi cette blancheur de la fumée, et sa forme spirale ne sont plus les mêmes à une certaine hauteur du point d’où elle s’élève.

Cette ressemblance de la fumée blanche du Vésuve, décrite par M. Hamilton, avec celle que produit ici la lave en contact avec la mer, est trop frappante pour ne pas croire que celle du Vésuve entraîne de la poussière de sel. M. Hamilton a remarqué aussi que, lors de l’éruption du Vésuve en août 1779, la fumée portait à quelque distance du cratère un sel très blanc corrosif : il eut été bien intéressant de recueillir de ce sel, qui peut-être, n’était que du sel marin, comme celui que j’ai observé dans notre île.

Je vous engage à faire en plus grand mon expérience, et à verser de l’eau de mer sur les laves rougies ; vous pourriez faire mieux : ce serait de mettre un long morceau de lave dans l’état de fusion, et de l’enfoncer lentement dans un baquet d’eau de mer, en agitant un peu l’eau pour imiter l’effet des lames qui couvrent et découvrent les laves ; ce qui forme les flocons successifs qui contribuent à la disposition spirale des fumées, et à former le sel lorsque les lames se retirent. Si vous en faites cette expérience, veuillez m’en dire le résultat. On pourrait aussi, pour comparaison, faire la même expérience dans l’eau douce. Pendant longtemps je croyais que le volcan donnait trois espèces de fumées différentes ; mais l’analogie que je viens d’indiquer confondrait en une même espèce celle qui précède et accompagne les éruptions, avec celle que la lave en fusion produit lorsqu’elle coule à la mer.

Je vous avoue que je ne suis pas encore satisfait de cette distinction ; car l’eau réduite en vapeur est-elle bien une fumée, laquelle est le produit de la combustion ? L’eau réduite en vapeur chargée de sel qui l’a blanchie, comme chargée de cendres qui l’a noircie, n’est pas plus fumée que l’air qui enlève et forme des nuages de poussière.Je sais aussi que les volcans poussent des fluides aériformes ; mais j’ai assez parlé de ce qui est étranger à l’éruption qui fait l’objet de cette lettre.

Beaucoup de personnes, hommes et femmes, ont été après moi voir cette éruption ; mais dès le lendemain de l’arrivée des laves qu’elle produisit à la mer, ces laves se figèrent en graton dans toute leur épaisseur. Cette forme doit nécessairement beaucoup avancer le refroidissement de la coulée tant à l’extérieur que dans l’intérieur; le prompt refroidissement des gratons s’oppose encore à ce que la coulée qui en est composée ne s’avance et ne gagne dans l’eau.

Voilà, mon jeune ami, une bien longue lettre, et qui n’a rien de bien intéressant ; mais votre volcan ayant été pour vous ici un objet chéri, tout ce que je puis vous en apprendre doit vous faire plaisir.

Je vous prierais de m’envoyer en retour ce qui aura été écrit de mieux raisonné sur la théorie des volcans. M. Faujas semble promettre un Ouvrage à ce sujet. Je sens le besoin de lire des autorités de ce poids, pour me désabuser des fausses idées que je me suis formées sur ce grand sujet ; je m’habitue trop à regarder comme une réalité, que la lave ne s’embrase pas, mais qu’elle existe de tout temps dans l’état de fluidité, et circule dans l’intérieur de la terre comme le sang dans nos veines. On a dit que le sang pouvait bien être une chair coulante ; eh bien, la lave sera une roche coulante. Vous pensez bien que, quand on a de ces idées-là, on veut ensuite concevoir la cause des éruptions, des tremblements de terre, etc. Mais je ne veux pas vous entretenir sérieusement de mes rêveries ; aidez-moi à me détromper, en m’envoyant ce qu’on a écrit sur ce sujet.



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