Caverne La Roche à Vidot et la mort de Maham.

Caverne La Roche à Vidot et la mort de Maham

" ... Jusqu-là nous trouvions encore des arbres de Salazie, mais rabougris et " chétifs. A l'esplanade du Cap-au Vent, la zone végétale change tout à coup. Nous entrons dans le climat polaire de la plaine des chicots. Nous retrouvons la frileuse et pâle végétation des régions arctiques, les longues mousses grisâtres, les lichens et les arbustes à feuilles cotonneuses. Nous grimpons encore pendant trois heures dans cette contrée hivernale où tout assombrit l'âme, et nous arrivons à la Roche à Vidot ( 2 800 mètres ). Cette caverne était le quartier général des grands marrons autrefois. Elle offre un aspect saisissant. C'est une vraie caverne de brigands, noire, fuligineuse, recelant de ténébreuses cavités, un coupe-gorge enfin, car bien des gorges y ont été coupées...".

Description de L. Héry, Album de La Réunion, qui nous donne maintenant la légende de la caverne de la Roche à Vidot :

" J'ai dit que la Roche à Vidot était jadis un lieu terrible et ensanglanté ; voici les légendes locales qui s'y rattachent :

Du temps que les grands marrons infestaient l'île ( il y a de cela un siècle et plus ), ils formaient sur les Salazes des peuplades qui obéissaient à différents chefs. L'un deux, le redouté Maham, avait sous ses ordres cinquante hommes. Un chef voisin, qui en comptait autant, vin lui proposer de réunir les deux bandes, sur lesquelles ils régneraient conjointement. L'alliance fut conclue, mais la férocité de Maham l'avait rendu odieux à ses sujets. Quelques jours auparavant, ayant à se plaindre de la désobéissance d'un Malgache et de sa femme, il les avait liés sur un bûcher, transpercées à coups de sagaie et brûlés ensuite dans la caverne qui leur servait de repaire.

Le nouveau chef gagna donc bientôt toutes les sympathies, et Maham s'aperçut trop tard qu'au lieu d'un collègue il venait de se donner un maître. Il voulut se défaire à temps de celui qui allait le supplanter. Un matin, il rassemble ses cent marrons, leur ordonne de cerner toutes les issues de la caverne, puis s'élançant, la hache à la main, sur son rival : " Nos gens ne veulent plus qu'un chef, lui cria-t-il avec rage, eh bien ! ils n'en auront plus qu'un, celui qui survivra, car l'un de nous deux doit mourir ici ". Le rival de Maham, aussi résolu qui lui, accepte vaillamment ce duel à mort. Les deux champions se battent avec fureur pendant le tiers d'une journée. Enfin, le nouveau chef donne des signes d'affaiblissements, ses coups se ralentissent, sa respiration halète, il va succomber... Au moment où l'implacable Maham, bondissant comme un chacal, allait lui porter un coup mortel, une voix saccadée par la terreur s'écrie : Maham !!! le détachement derrière toi ! toutes les voix répètent : Maham, tourne la tête, un fusil te couche en joue ! Maham se détourne, et soudain son rival ( grâce à cette ruse de guerre imaginée par les marrons pour perdre leur vieux chef ) le traverse de sa pagaie et l'étend mort à ses pieds. Telles fut l'issue, dans la Roche à Vidot, d'un combat à mort qui rappelle celui de Frank-Osbaldiston et de Balfour de Burley dans les Puritains d'Écosse, tant les passions se ressemblent partout.

On rendit à Maham mort les honneurs qu'on ne voulait pas lui concéder pendant sa vie. Sit divus dùm non vivus. On inhuma son corps dans une vaste grotte avec les cérémonies religieuses usitées dans l'Afrique pour les funérailles des grands ; on plaça sur une roche, à l'entrée de la caverne, la coupe du chef, en guise de cippe funéraire, et depuis lors les marrons firent de cette catacombe le sépulcre de tous leurs compagnons. Dans l'enfoncement le plus reculé, on voit un ossuaire et une pyramide de crânes desséchés. Ce lieu reçut le nom de cimetière des marrons."

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