Pierre Émile Aubert, Gouverneur de La Réunion du 27 février 1940 au 1 er décembre 1942.

Pierre Émile Aubert.

- Nom : Pierre Émile Aubert.
- Naissance : 8 mars 1888 à Arras, chef-lieu du Pas-de-Calais..
- Décès : 27 décembre 1972 à Paris.
- Gouverneur de La Réunion : Du 27 février 1940 au 1 er décembre 1942.
- Gouverneur précédent :: Joseph Urbain Court.
- Gouverneur suivant :: Charles André Jean Capagorry.


Pierre Émile Aubert est né le 8 mars 1888 à Arras, chef-lieu du Pas-de-Calais.

Pierre Émile Aubert
Portrait du gouverneur Aubert par Eugène Poisson.

Élève de l'École coloniale, promotion de 1907, licencié en Droit, il débute da carrière en Guinée. Quand éclate la Grande Guerre, Aubert rentre en France pour rejoindre son unité combattante.

En décembre 1916, Aubert est grièvement blessé. Titulaire de deux citations, Pierre Émile Aubert est capitaine de réserve et chevalier de la Légion d'honneur, à titre militaire. A la fin de la guerre, sa carrière se déroule entre l'Afrique de l'Ouest et le ministère des Colonies.

Pierre Émile Aubert suite à la mise en retraite du gouverneur Joseph Urbain Court, est nommé gouverneur de La Réunion. C'est à bord d'un navire de guerre que le gouverneur Aubert débarque en rade de Saint-Denis, le 26 février 1940.

Sa première intervention est de rendre hommage au travail de son prédécesseur.

La Réunion subit quelques restrictions, mais la situation n’a rien de dramatique. L'île est mal informée. Il n’existe que sept-cent soixante sept possesseurs de postes privés dans l’île et il n’est toujours pas aisé de capter les émissions d’Europe. La TSF locale, quant à elle, n’est alimentée, comme les journaux d’ailleurs, que par de maigres communiqués : le trafic radio ne permet de recevoir que trois mille mots quotidiens. On a donc une information très incomplète sur la situation réelle, d’autant que les communiqués officiels sont filtrés. La Réunion ignore l’ampleur du désastre qui a atteint la France.

11 juin 1940. Radio Saint-Denis diffuse une proclamation du gouverneur Aubert : l’Italie vient d’entrer en guerre contre la France. Que peut faire La Réunion ? Peu de choses, en vérité. Les hommes partent pour le front à un rythme bien moins élevé qu’ils ne l’auraient souhaité. Il est, de toute façon trop tard maintenant. La seule chose que peut désormais recommander le gouverneur est le calme : " Aujourd’hui comme hier, je vous répète nos mots d’ordre, ardeur au travail, confiance absolue en nos chefs, foi en la Victoire ".

En juin 1940, la colonie apprend la capitulation de la France mais les Réunionnais se prononcent pour la poursuite de la lutte. Les Anciens Combattants Réunionnais envoient un message se terminant de la façon suivante : " La colonie qui contient encore quinze mille hommes jeunes et valides demande ardemment à pouvoir apporter encore sur un sol ou sur un autre son concours et ses forces à l’immense tâche qui s’offre ". Dans les journaux on retrouve un seul mot d’ordre : " Tenons "

Le 23 juin 1940. La Réunion apprend grâce aux radios étrangères la signature de l’armistice. D’une colonie à l’autre les gouverneurs se consultent, doit-on s’aligner sur le gouvernement de Bordeaux ou poursuivre la lutte à outrance ? Le gouverneur général de Madagascar, Marcel de Coppet est d’avis que l’on doit poursuivre la lutte. A Radio Saint-Denis le président du Conseil général, Raoul Nativel s’indigne sur le préambule aux conditions d’armistice et le " cérémonial sacrilège " de Rethondes. Mais ce dimanche 23 juin le gouverneur Aubert va aller à l’encontre de l’opinion du pays et se ranger du côté du gouvernement signataire de l’armistice.

Ce même jour le consul de Grande-Bretagne, Maurice Gaud, est en visite avec un message de Lord Halifax, sous-secrétaire d’État britannique aux Affaires Étrangères : " Le présent gouvernement français, en acceptant sous la contrainte les conditions de l’ennemi pour un armistice, a été empêché de remplir la garantie solennelle de la France envers ses alliés britanniques. Il s’est résigné au fait accompli de l’occupation allemande métropolitaine. Mais cette occupation ne s’étend pas aux vastes territoires de l’Empire français d’Outre-mer, qui reste avec ses frontières, sa défense et ses immenses ressources économiques intactes. L’Empire français d’Outre-mer a encore un rôle vital à jouer dans la lutte pour la civilisation dont seul le succès peut restaurer la liberté de la France... ".

Dans la suite de son message Lord Halifax demande : " aux autorités civiles et militaires de tous les territoires français d’Outre-mer de se tenir à leurs côtés et de se battre main dans la main jusqu’à la victoire... ".

Ce message sera fort mal reçu par le gouverneur Aubert. En effet il estime ne pas pouvoir prendre de décision, n’ayant reçu aucune instruction du gouvernement français. En fait son opinion est pratiquement déjà faite. La Réunion ne se battra pas aux côtés de l’Angleterre. Plusieurs raisons expliquent cette réaction. Tout d’abord il y a l’influence du chef de cabinet Pillet, qui sera plus tard à la tête des fidèles du Maréchal. Ensuite, les relations entre le gouverneur de Maurice, Sir Bede Clifford, et le gouverneur Aubert sont mauvaises. Enfin le message lui-même, poussant les Réunionnais à se rebeller contre le gouvernement, a heurté le vieux serviteur de l’État.

La Réunion s'installe dans une hostilité sourcilleuse vis-à-vis de sa voisine l'île Maurice soudain classée dans le camp ennemi. Les Réunionnais n'ont pas à craindre d'attaque mauricienne mais le soupçonneux et anglophobe Aubert, aux ordres d'un système vichyssois peu porté sur la tolérance, bloque totalement les relations entre La Réunion et Maurice : pas de courrier, pas de télégraphe ni de téléphone et surtout pas de relation maritime.

29 juin 1940, le gouverneur Aubert réunit à nouveau la Commission Consultative de la Défense pour s'assurer de l'esprit de discipline de ses memebres, après leur avoir signifié qu'il ne tolérerait pas la moindre critique de ses actions. Après cette réunion, il peut se permettre d'expédier au ministre des Colonies le télégramme suivant débordant d'assurance et d'enthousiasme : " Honneur vous assurer du loyalisme réunionnais. Pour ma part, et plus que jamais, servirai avec foi, une Patrie malheureuse. Vous serai reconnaissant de transmettre ces assurances au gouvernement et croire personnellement à mon attachement respectueux ".

Pierre Emile Aubert à faix le choix de l'obéissance et de la légitimité. Pour Aubert, le seul gouvernement légal c'est celui de Bordeaux, dont-il est le chef dans la colonie. Le choix est ratifié le 29 juin par la Commission consultative de Défense. La rupture avec l'Angleterre est consommée, conséquence, le blocus de La Réunion se met en place.

Dés lors, le chef de la colonie prend des positions de sûreté. Il établit une liste des personnes à surveiller, s'assure de la surveillance des locaux publics, notamment il veille à faire changer les serrures du Palais du Gouvernement.

Les 24 et 25 juin, le gouverneur s'adresse à la population. Son discours radio diffusé enjoint les Réunionnais à garder le calme et les rassure sur l'existence des stocks suffisants selon lui : " On me force à souligner que je n’ai de leçons de patriotisme à recevoir de personne - mon passé en témoigne - et ce petit pays glorieux dont j’ai pris la charge, je saurai, je l’affirme, assurer son destin dans l’honneur... ".

Le lendemain il fait parvenir aux maires et aux brigades des communes un télégramme dans lequel il leur demande leur aide afin de " calmer de l'énervement certains milieux et de faire cesser certaines manifestations malencontreuses... ". De plus il y affirme sa volonté " le cas échéant de prendre des sanctions à l’égard des personnes qui contribueraient à troubler l’ordre ". En fait le chef de la colonie va retourner d’une manière magistrale l’opinion de la Réunion et transformer en peu de temps les inconditionnels de la lutte en fidèles serviteurs de Vichy.

Le 10 juillet 1940, à l'Assemblée nationale, les deux députés de La Réunion, Lucien Gasparin et Auguste Brunet, votent les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, le héros de Verdun.

La loi sur l'interdiction des sociétés secrètes du 13 août 1940 est promulguée, la cour martiale installée. Dans les 23 communes de l'île de La Réunion, maires et conseillers municipaux sont désormais nommés par délégation spéciale du gouvernement de vichy.

Le 30 septembre 1940 est née à Saint-Denis la Légions des combattants volontaires de la Révolution nationale. De Salazie, maire Raymond Vergès, à Saint-Leu, maire Etienne Dussac, en passant par Saint-Denis, maire Armand Barau, les hommages au maréchal Pétain se succèdent. Mais les autres communes ne sont pas en reste. Fleurissent également les places du Maréchal Pétain. A Saint-Leu c'est la place de l'Hôtel de ville qui est ainsi baptisée ; à Saint-Denis, c'est celle du Barachois qui change de nom.

La propagande est amplifiée par la presse vichyste, avec le bi-hebdomadaire Servir de René Payet, mais surtout Chanteclerc, administré par Eugène Poisson et Jean Jacques Pitecler, chef de cabinet d'Aubert. Quand aux autre titres, ils sont sous l'emprise vigilante de la censure opérée, ciseaux à la main, par Jean Jacques Pillet, véritable, âme damnée du gouverneur.

La Semaine de la France d'Outre-mer, qui se déroule du 15 au 21 juillet 1941 sur le modèle des cérémonies nationales, est le point d'orgue du culte du Maréchal dans la colonie. Au fil des mois, le climat se durcit. La surveillance policière est plus active, la répression s'abat sur les instituteurs de La Réunion, Simon Lucas et Antoine Narassiguin sont révoqués. Les conditions de vie de la population se dégrade. Mais il y a tout de même d'énormes différences avec la métropole, on ne verra à La Réunion jamais l'ombre d'un allemand, ni celle d'un milicien, on y arrêtera aucun Juif et personne ne sera fusillé, torturé ou déporté.

Finalement, la grande conséquence du choix du gouverneur Aubert, c'est que La Réunion va commencer tout doucement à mourir de faim. La pénurie est contournée de toutes les manières possibles. Un intense marché noir s'organise, entre campagnes et villes, destiné à contourner des règlements administratifs tatillons, qui voudraient qu'in fil la queue, avec des bons, pour pouvoir acheter du vulgaire manioc, succédané au riz. Dans les cours on élève clandestinement des cochons... Mais tout manque : la farine, le savon et même le sel. Bricoleurs et inventeurs imaginent des palliatifs : on fabrique du savon à partir du ricin, les lavandières redécouvrent les vertus saponifères du bringellier marron, on confectionne des robes avec des sacs de jute, une saline est créée à la Pointe au Sel à Saint-Leu et le gouverneur impose en septembre 1941, l'arrachage de 50 % des cannes à sucre, au bénéfice de cultures vivrières. Le pain est partiellement fabriqué à partir de farine de manioc. De même un autre produit local, l'alcool de canne, entre en forte proportion dans les carburants, ce qui cause quelques problèmes aux moteurs, qui sont en outre lubrifiés à l'huile de ricin.

Octobre 1941. Le gouverneur Pierre Emile Aubert envoie en métropole un rapport sur l'état d'esprit de la colonie : " Le pays était désemparé, rétif, au lendemain de l'armistice. Après ma prise de position volontairement brutale à la réception de l'insolent message de Lord Halifax, j'ai groupé autour de moi les dirigeants de la colonie, j'ai imposé le respect d'une obéissance disciplinée à mon gouvernement et amené peu à peu une confiance détendue. Jour après jour, une action incessante a été poursuivie, par mes allocutions radiodiffusées, par une propagande inlassable, pour faire connaître et faire aimer l'oeuvre de rénovation nationale entreprise par le Maréchal...

Les réfractaires : ils se cantonnent presque tous dans le monde des affaires de Saint-Denis et Saint-Pierre. Ils font tache dans une opinion de plus en plus homogène et la rumeur les désigne au mépris ironique d'un public désormais informé.

Les agriculteurs et usiniers : j'ai conscience d'être compris et suivi par la majorité des agriculteurs, élément sain et stable de la population. Mais le nationalisme du personnel de l'important groupe des Sucreries Coloniales est plus apparent que réel.

Les commerçants : des sentiments partagés...

Les municipalités : une oeuvre urgente consiste à écarter des postes honorifiques ou de confiance les hommes douteux, compromis ou tarés.

Les fonctionnaires : Les manquements à la discipline deviennent l'exception et restent automatiquement sanctionnés.

Les groupements communisants : s'ils en subsistent, ils restent prudemment camouflés. Une surveillance attentive est exercée sur eux...

Le clergé : quelques prêtres qui persévéraient dans l'erreur ont été, à ma demande, déplacés et admonestés par Monseigneur Cléret de Langavant. "

Mai 1942, avec l'attaque par les forces britanniques de la base aéronavale française de Diégo-Suarez et leur contrôle ensuite de tout la Grande île, la situation change. Crainte ou espoir les réunionnais attendent désormais le débarquement des forces alliées. Après plusieurs mois d'interrogations et de tensions, le gouvernement Aubert fait le choix de la reddition.

Le 27 septembre 1942, Saint-Denis est déclarée, ville ouverte, ordre est donné aux maires des autres communes de ne pas résister. Le gouverneur, ses principaux adjoints et une partie des forces armées, une centaines d'hommes, se retrouvent à Hell-Bourg dont l'accès est fortifié.

Dans la nuit du 27 au 28 novembre, le contre torpilleur des Forces navales françaises libres, le Léopard, avec à son bord l'envoyé du Général de Gaulle, l'administrateur André Capagorry, est signalé au large de Saint-Denis. Si le gouverneur Aubert a déclaré Saint-Denis ville ouverte, il n'entend pas se rendre sans avoir manifesté au moins un semblant de résistance. Cette résistance ne peut être exercée que par une seule arme : la batterie de 95 du port, commandée par un enfant du pays, le Lieutenant Hugot. Celui-ci a déclaré n'avoir pas su, au début, que le Léopard était un navire français, depuis le mois de mai, tout le monde s'attendait à une attaque anglaise, brutale peut-être comme à Diego. Il tire donc, des coups de semonce plutôt qu'une vraie agression, puisque ses 65 ne peuvent en aucun cas atteindre le contre torpilleur, qui est hors de portée, au niveau du Cap Bernard. De même une vedette du C.P.R. force la sortie du port pour rejoindre le navire, Hugot affirme avoir tirer bien au large de celle-ci, juste pour faire peur.

Mais le commandant du Léopard, lui, prend cette résistance au sérieux, il bombarde la batterie en représailles. Un obus perdu fait les premières victimes : deux civils. L'obéissance obtuse aux ordres et sans doute un certain affolement, causent le troisième mort de la journée : le directeur des Travaux Publics Raymond Decugis, ami de Hugot envoyé par la route de la Montagne pour parlementer avec lui, est arrêté par un barrage de soldats pétainistes. Il ne montre aucune hostilité mais il est accompagné d'un officier français. En face un fusil tire, Decugis est tué. Peu après, les artilleurs du Port fuyant leur batterie devenue intenable, se heurtent aux partisans. L'escarmouche fait un mort, M. Odon et un blessé grave, le lieutenant Hugot. Quelques heures plus tard, La Réunion se rend. Bilan quatre morts et un blessé.

Les évènements vont alors s'accélérer. La colonie vit alors trois journées très mouvementées, marquées par l'installation de Capagorry à Saint-Denis comme gouverneur. Le 30 novembre 1942, à 8h45, le gouverneur Pierre Émile Aubert, se rend avec les honneurs.

Pierre Émile Aubert quitte La Réunion à bord du Léopard, direction l'île Maurice où il est placé en résidence, puis à Alger, où il est transféré.

A la libération, Aubert passe devant la cour de justice où il est relaxé. Pierre Émile Aubert décède à Paris le 27 décembre 1972.



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