Peine de Mort dernière exécution publique à l'île de La Réunion le 10 avril 1940.

Peine de Mort dernière exécution publique à l'île de La Réunion le 10 avril 1940

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Les deux derniers suppliciés sont exécutés en public, ils se nomment Mariaye Candassamy et Govindin Ramsamy-Catamoutou. Leurs têtes tombent dans le panier à sciure le 10 avril 1940.

Le 24 octobre 1937, une commerçante de Saint-Benoît, plus précisément de la Rivière des Roches, Mme Maria-Emma Lambert, veuve Liotaud, est découverte sans vie dans sa boutique. Elle a été assassinée. Les détail du crime sont particulièrement atroces : le, ou les assassins, se sont acharnés sur leur victime, faisant preuve d'une sauvagerie peu coutumière. Une rapide enquête de la gendarmerie aboutit à la conclusion que d'une part, le vol était le mobile du crime, de nombreuses denrées ont été dérobées et que d'autre part, le crime a été commis par au moins deux personnes.

Le premier assassin, Mariaye Candassamy, est appréhendé le lundi 25 octobre 1937 par la gendarmerie à Saint-André, dans l'échoppe du bijoutier Ramsamy Léon : il vient de lui confier un petit morceau d'or pour la confection d'une alliance. Son complice Govindin est arrêté à Saint-Denis, le mardi 26 octobre 1937, dans la matinée.

Peine de mort dernière exécution publique à La Réunion

L'affaire est simple en apparence pourtant l'instruction dure plus de quinze mois. Chez ces deux êtres frustes, dans ces deux esprits peu évolués, l'issue du procés ne paraît pas si tragique. Et effectivement, les avocats plaideront une certaine irresponsabilité : surpris par la commerçante au beau milieu de leur larçin, pris de peur, ils ont frappé. Mais la sauvagerie, l'acharnement des deux hommes sur le corps de cette vieille femme, la veuve Liotaud avait 78 ans, ne jouent pas en leur faveur. Et puis vient se greffer sur les circonstances mêmes du crime, le climat d'insécurité qui règne alors dans les campagnes réunionnaises. A la même époque où Govindin et Mariaye accomplissaient leur forfait, deux vieilles dames, dans la même région, avaient été assassinées dans des conditions analogues.

Il faut enfin ajouter que les deux accusés, devant la cour, ne font rien pour aider leurs avocats : l'arrogance de l'un, l'attitude embarrassée de l'autre, laissent une très mauvaise opinion sur les jurés. Et le verdict est impitoyable : la mort !

Les deux hommes vont se pourvoir en cassation. En pure perte : le jugement ne comporte aucune irrégularité de forme. Un recours en grâce est alors adressé au président de la République ; il est rejeté également. L'issue fatale à laquelle ils avaint cru échapper ne fait plus alors aucun doute, mais les deux homme espèrent encore. Ils espéreront d'ailleurs jusqu'au dernier moment.

Le forfait a été accompli en octobre 1937. Ses auteurs n'ont été jugés et condamnés à mort par la Cour d'assises de Saint-Denis que le 4 février 1939, ils ne seront exécutés que le 10 avril 1940, près de trois ans après leur crime.

Aucune publicité inutile n'est faite longtemps à l'avance, mais dans un si petit pays, tout se sait très vite. Et puis, le procès, encore présent dans les mémoires, le crime atroce, tout cela a suscité une vive émotion : la foule sera là nombreuse sur la place du Barachois, bien avant l'arrivée des magistrats, des bourreaux et des comdamnés.

Tous les détail de l'exécution ont été réglés par le procureur général Du Hamel. Dans la cour même de la prison, on a monté l'échafaud, on l'a nettoyé, graissé, testé aussi avec des choux. La machine fonctionne à merveille.

Dans leurs cellules, tout près, les condamnés n'en savent cependant rien. Toute cette agitation, dans ce vase clos qu'est l'enceinte pénitentiaire, leur échappe totalement. Le directeur de la prison, M. Léoville, a tout fait pour éviter aux deux hommes une attente anxieuse, aussi inutile que barbare. Ils ne connaîtront pas la longue torture morale des heures précédant les exécutions. Isolés, un gendarme en permanence dans le couloir afin d'éviter tout contact avec l'extérieur, ou même avec d'autres détenus qui pourraient leur communiquer la mauvaise nouvelle, Govindin et Mariaye espèrent toujours que le recours en grâce viendra sauver leur tête.

Afin que cet isolement n'éveille aucun soupçon chez eux, le directeur Léoville leur explique vaguement qu'il se passe des événements graves dans la prison, que certains prisonniers ont secrètement fait sortir des lettres, et que tous sont désormais enfermés individuellement. Ils acceptent cette fable pieuse et dorment paisiblement, aux dires du directeur qui leur rend de fréquentes visites, même au cours de cette nuit qui précède le 10 avril 1940.

Il n'y a pas de bourreau professionnel à La Réunion. Il faut en trouver un, et le procureur général Du Hamel, à qui incombe cette tâche, n'a pas la partie facile. En règle générale, dans ces cas-là, on fait appel à un détenu de droit commun à qui on promet une remise de peine en échange de ce service. Mais même dans l'espoir d'une telle récompense, les candidats au poste ne sont pas nombreux. Il a bien des assassins à la prison centrale de Saint-Denis, mais pas prêts à tuer ainsi sur commande. Finalement, après de laborieuses démarches, M. Du Hamel finit par mettre la main sur un homme, dont le nom ne sera pas dévoilé. Condamné à dix annnées de réclusion, il accepte en échange de sa remise en liberté, de trancher le cou de Gonvindin, ainsi que celui de Mariaye. L'acte ne lui fait pas peur. Trois aides condamnés également, vont l'assister dans son oeuvre. Ils ont été plus faciles à dénicher : du moment qu'ils n'auront pas à accomplir le geste fatidique, peu leur importe.

Les préparatifs :

A minuit les bois de justice sont silencieusement démontés. Chargés sur un camion, ils sont transportés vers la place du Barachois où des lumières ont été installées spécialement pour la circonstance. Il faudra un long moment avant que tout ne soit paré. Les ouvriers chargés de ce travail ont déjà installé une estrade, mais sur ce terrain inégal, il n'est pas facile de trouver une horizontale parfaite. Or, cette condition est indispensable au bon fonctionnement de l'ensemble. Que l'échafaud soit légèrement de biais, et la lame glissera mal, se coincera dans ses montants, ou, pire encore, risquera de blesser inutilement le condamné sans lui donner la mort. Le conducteur de travaux publics Delisle et M. Léoville, qui aimeraient bien se trouver ailleurs, serveillent personnellement la bonne marche des préparatifs.

"A la lueur des projecteurs électriques" écrit le "peuple" du même jour, "l'échafaud se dresse tout rouge. Le glaive aiguisé reluit, c'est une lame d'acier triangulaire emmanchée sur un mouton de plomb pesant 35 kilos, haut de 3 mètres. L'instrument de mort est prêt à abattre les têtes que la main du bourreau lui présentera dans quelques heures. Là-bas, ils ne savent toujours rien. Ils dorment encore. Ici, le bruit de la mer sur la grève s'amplifie et monte comme un gémissement. Peu à peu la foule de curieux augmente elle aussi. Pourquoi tout ce monde ? Par sentiment de curiosité. On veut voir. En attendant, la pensée se reporte aux éternels arguments pour ou contre la peine de mort."

"Les uns soutenant que celui qui a tué doit être tué, qu'il faut faire des exemples, qu'il faut enlever aux coupables le droit de nuire ; que si l'on veut maintenir l'inviolabilité de la vie humaine, il faut faire entrevoir le chatîment à ceux qui veulent la violer. De fait, le chatîment est terrible."

"Les autres, que toute peine doit tendre à la correction du coupable ; qu'à ce point de vue la peine de mort doit être rayée de nos codes car elle exclut manifestement toute idée d'amendement du condamné dans l'avenir."

"l'heure s'avance. La foule grossit sans cesse. Les groupes continuent de deviser : deux hommes vont payer leur dette à la société. Pourquoi ont-ils tué ? Encore des victimes de l'argent. Les yeux de se reporter sur la lugubre machine. L'angoissant problème ! On voudrait demeurer et on se reproche d'être là ! On veyt être ou paraître fort. Pauvre faiblesse humaine !"

A La prison :

"4 heures de matin ! Voici les magistrats et les avocats qui arrivent, M. le procureur général Du Hamel, le juge d'instruction M. Ozoux et son greffier M. Rivière, M. le bâtonnier Nativel suppléant Fernand Sanglier mobilisé, Picaud. Accompagnés du directeur des prisons, tous les cinq pénètrent dans la cellule des condamnés. On leur annonce successivement le rejet de leur recours en grâce. Ce pénible devoir incombe à M. Du Hamel. Ils l'écoutent avec calme et courage. L'espoir a définitivement quitté les deux condamnés. Le juge d'instruction leur demande s'ils ont des révélations à faire. Le père Mondencq se présente à eux. Il les confesse et les exhorte. Ils entendent la messe. Govindin et Mariaye communient. Instant émouvant."

Ensuite viennent les derniers préparatifs. Ce que l'on appelle pudiquement la toilette des condamnés. Depuis que le directeur Léoville a libré les deux hommes aux mains du bourreau et de ses aides, personne n'a plus le droit de les toucher. L'exécuteur des hautes oeuvres se rend tour a tour dans les deux cellules où Govindin et Mariaye ont été reconduits après la messe. On commence par leur couper les cheveux. Et cette fois, il ne s'agit pas d'un travail bien fignolé : rasoir et ciseaux, les mèches du cou sont enlevées jusqu'au niveau des oreilles. Le col de la chemise est largment échancré, presque jusqu'aux épaules. C'est que la lame, lourde pourtant, et terriblement affûtée, peut-être arrêtée par une mèche un peu forte, un bouchon de toile trop épais. Comme toute mécanique de haute précision, elle est très fragile.

Govindin et Mariaye se prêtent à ces préparatifs sans manifester de révolte. Tout oa plus, Mariaye semble-t-il un peu plus nerveux que son complice. Résignation ? Indifférence ? Ou est-ce l'effet des paroles du prête ? Ils n'attendent pas qu'on leur apporte le traditionnel verre de rhum : ils le réclament !

Le bourreau les conduit ensuite verts l'auto dont les vitres ont été voilées, les y installe, mains liées dans le dos, chevilles entravées. L'aumônier et leurs avocats les y accompagnent, et le bourreau leur glisse entre les lèvres une cigarette allumée. L'auto démarre.

Exécutions des deux condamnés

"Les premières lueurs du jour éclairent déja, écrit le chroniqueur du "Peuple". L'heure fatale a sonné ! Un frisson dans la foule ! L'auto stoppe juste devant l'échafaud, précédée de gendarmes à moto. Un homme en descend. C'est Mariaye Candassamy ! Il a 37 ans, est amputé du bras droit. Il chancelle en marchant ; s'arrête au pied de l'échafaud, achève de fumer, s'entretient avec M. Nativel à qui il fait des recommandations et avec l'aumônier, baise une dernière fois le Crucifix. Il est saisi par les aides, sanglé par trois courroies à la planche qui bascule. La cigarette qu'il tient encore aux lèvres saute à ce moment. Le cou est assujetti dans la lunette. Le bourreau tire sur le cordon d'appel. La tête est tranchée ! Il est 6h07. L'opération s'est accomplie en un clin d'oeil. On remonte le couteau de la guillotine ! L'auto transformé en voiture cellulaire reveint de nouveau devant l'échafaud."

"Voici Govindin, 35 ans, pâle, livide, hagard. Il parle à l'aumônier. Comme l'autre, il baise le Crucifix. Comme l'autre, il est saisi par le bourreau et ses aides, poussé sur la planche. A ce moment, il a un haut-le-corps. La deuxième tête est tombée à 6h12. Justice est faite."

"Le docteur constate le décès. L'officier d'état-civil délivre les permis d'inhumer. L'aumônier de la prison dit une dernière prière. Un camion s'approche et, escorté par les gendarmes emporte les cercueils au cimetière."

24 décembre 1941, un arrêté du gouverneur précise les conditions dans lesquelles, à La Réunion, se dérouleront désormais les exécutions capitales : Les exécutions capitales auront lieu désormais exclusivement dans l'enceinte de la prison centrale de Saint-Denis. Seront seules admises à assister aux exécutions capitales les personnes indiquées ci-après : le président de la Cour d'assises, l'officer du Ministère Public, un juge du tribunal du lieu d'exécution, les défenseurs du condamné, un ministre du culte, le directeur de l'établissement pénitentiaire, le commissaire de Police et s'il y a lieu les agents de la force publique requis par le procureur, le médecin de la prison.

Source : Le mémorial de La Réunion, volume 6, pages : 18, 19, 20, 21, 22, 23.



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